Site professionnel spécialisé en Diabète et Obésité

Adomed webinaire juillet 2025
Adomed webinaire juillet 2025

Entre deux glycémies – Parce qu’entre deux HbA1c, il y a une vie, il y a nous

En 1998, il n’y avait pas les réseaux sociaux. Et puis j’avais 6 ans. Ma mère, en revanche, aurait aimé profiter de cette communauté. Elle était trop timide pour rejoindre une association de parents d’enfants DT1. Et elle pleurait rien qu’en lisant la revue trimestrielle de l’AJD. Les réseaux sociaux, eux, sont simples et inclusifs : on peut y chercher ce dont on a besoin sans forcément se montrer ni faire entendre sa voix. Malheureusement, ma mère n’a jamais eu cette ressource et a toujours tout gardé pour elle. Il lui arrive encore de pleurer quand elle lit certains de mes témoignages. C’est une maman, après tout.

 

Pour en revenir à mon vécu, j’ai eu une adolescence difficile avec mon diabète de type 1 (DT1). Nous revenions d’un séjour de 2 ans au Mali sans suivi médical, et j’ai dû passer en service adulte tout en changeant de traitement. À 14 ans, je ne connaissais pas l’IF (insulinothérapie fonctionnelle). Je n’ai pas apprécié qu’on qualifie mon traitement de “préhistorique”, et il m’a fallu des années pour maîtriser le calcul des glucides et comprendre ma sensibilité à l’insuline. Ma belle HbA1c, jusque-là parfaitement maintenue par ma mère, a explosé en quelques mois. J’ai ensuite plafonné entre 10 et 12 % pendant plus de 10 ans.

J’étais en colère. Avec ou sans effort, rien ne changeait, et je refusais catégoriquement la pompe à insuline. Lors de mes séjours en hôpital, j’avais horreur des autres diabétiques. Je ne me reconnaissais pas en eux. Alors, j’ai décidé de créer une page Facebook sur le diabète. Nous sommes en 2016, et il n’existait quasiment rien sur le DT1, ou rien d’attrayant.

 

Les débuts de mon blog La Belle & le Diabète

J’avais envie de trouver un écho à ma manière de vivre le diabète et de partager avec des personnes capables de comprendre ce que je vivais au quotidien. Quelque part entre la certitude que j’allais mourir à 40 ans, le refus d’adapter ma vie à cette maladie et la capacité d’en rire. 

Un succès !

À ma grande surprise, ce fut un succès. J’ai commencé par la lutte contre les préjugés, notamment la différence entre DT1 et DT2. Graphiste de formation, je me suis amusée à créer des infographies colorées. Puis j’ai partagé mon quotidien : les phrases qu’on aimerait ne plus entendre, les situations loufoques, mes questionnements. Lire des commentaires du type « c’est tellement ça », « j’aurais pu l’écrire » ou « merci » m’apportait une joie immense. Je me sentais moins seule, et surtout comprise.

Les évolutions

La page Facebook est devenue un blog, puis un compte Instagram. J’ai participé à des congrès, rencontré beaucoup de patients, et reçu de plus en plus de messages. Aujourd’hui, je suis heureuse d’avoir commencé cette aventure. Elle m’a apaisée, beaucoup appris, et continue d’enrichir ma vie. C’est grâce aux instagrameuses américaines que j’ai cheminé vers le port de la pompe à insuline, et grâce à une abonnée que j’ai découvert les bolus prolongés.

Je suis fière de pouvoir rendre à la communauté ce qu’elle m’a offert. J’informe, j’échange, je fais rire. Je ne suis qu’un compte parmi d’autres, mais cette richesse collective est précieuse pour que les réseaux sociaux remplissent leur rôle auprès des patients.

Les besoins

Mais quel est ce rôle exactement ? On pense souvent que nous, diabétiques, partageons par simple besoin d’appartenance. Mais c’est tellement plus que cela. Depuis la création de mon compte, j’ai pu observer plusieurs types de besoins. Je vais vous les partager ici, afin de vous aider à réaliser le potentiel énorme et la complémentarité réelle des réseaux sociaux dans l’éducation thérapeutique du patient.

Échanger et avoir un soutien moral

Le besoin d’appartenance est courant lorsqu’on vit avec un DT1. Pouvoir échanger avec nos pairs, être compris et se soutenir mutuellement durant les moments difficiles créent des liens uniques, parfois de vraies amitiés.

Pas plus tard qu’hier, j’ai reçu un message à 23 h d’une abonnée désemparée après trois poses ratées de capteurs. Elle était en colère contre le laboratoire, et lasse de se dire qu’elle allait encore devoir gérer le SAV en pharmacie. Elle ne m’écrivait pas pour que je l’aide. Qu’aurais-je pu faire ? Elle savait comment les poser. Alors j’ai compati puis on a insulté le laboratoire ensemble. Avant de quitter l’application, elle m’a écrit « merci d’avoir été là ». Une conversation banale, et pourtant si réconfortante.

Apprendre autrement

Lorsque le diagnostic tombe, il peut être très difficile pour nous de tout intégrer : le vocabulaire, les gestes, les nouveaux réflexes, etc. Suivre un ou une diabétique sur les réseaux, c’est s’immiscer dans son quotidien et apprendre naturellement tout ce qui découle de la gestion d’un diabète. Je reçois chaque semaine des messages comme « qu’est-ce qu’un bolus ? », « c’est quoi l’IF », « qu’est-ce qu’une boucle fermée ? »

Nous partageons aussi ce que nous avons appris auprès de nos soignants, devenant un relais utile, surtout pour ceux qui n’ont pas eu une prise en charge optimale. Des astuces simples, comme les pré-bolus, peuvent transformer un quotidien.

La gestion du diabète s’apprenant aussi par expérience, il est toujours intéressant de s’enrichir de celles des autres. On peut apprendre différentes façons de gérer le sport, les repas gras, etc. Je lis souvent des messages de patients surpris d’apprendre le nombre de facteurs pouvant faire évoluer la glycémie. S’en suit alors des « Ahhhh, mais c’est pour ça ! » qui me font toujours sourire. 

Ce sont des choses que j’ai dû découvrir seule avec le temps, et je me réjouis de pouvoir les partager. Il y a tant à apprendre et expérimenter, et chacun peut réagir de manière différente. Mais ensemble, nous sommes plus forts.

Se projeter et se rassurer

Voir la diversité des profils diabétiques aide à se projeter. La multitude de comptes assumant publiquement leur diabète rassure : oui, on peut vivre, réussir, inspirer. C’est une aide précieuse dans l’acceptation du diabète et son appropriation.

Des parents d’enfants diabétiques me confient régulièrement qu’ils se sentent plus sereins en nous voyant continuer nos vies. J’écris souvent à ma mère à l’issue.

Bénéficier d’une aide disponible et constante

Livrés à nous-mêmes, nous pouvons nous sentir perdus face à l’immensité des décisions que nous devons prendre chaque jour avec notre diabète. Et comme il ne serait ni possible ni souhaitable qu’on vous appelle tous les jours, la communauté prend souvent le relais. Groupes Facebook, stories, messages privés… L’aide est disponible et rapide. Et non, elle ne remplace pas le rôle des soignants, mais elle rassure et soutient.

Il s’agit souvent de rappeler les bons gestes pour une hyperglycémie ou hypoglycémie, réfléchir ensemble à la potentielle cause, aider la personne à adopter les bons gestes avec son matériel si ses prestataires de santé ne répondent pas, etc. Être là au quotidien, tout simplement.

Personnellement, je ne me sens jamais submergée d’appels à l’aide. Au début du diagnostic, certains écrivent souvent, puis les messages s’espacent. Je ressens une grande volonté d’apprendre et de gagner en autonomie. Je me plais à penser que je contribue à cette prise de pouvoir.

Lorsque la situation est trop grave ou que la question dépasse notre domaine de compétence, il est d’usage d’inviter la personne à appeler ses soignants, voire à aller aux urgences. Une simple question de bon sens.

Et sachez que certains se sentent tellement démunis qu’ils sont capables d’envoyer une photo de leur pied nécrosé à une blogueuse à 2 h du matin, accompagnée d’un simple « c’est grave tu penses ? »

C’est pour cela qu’il est nécessaire d’aiguiller vos patients vers des comptes responsables et éthiques, mais aussi de prévenir de la facette moins glorieuse des réseaux sociaux. Vous ne pouvez vérifier la pertinence du moindre contenu publié par les comptes que vous conseillez. Il est donc plus simple d’apprendre au patient à rester critique.

Les dangers des réseaux sociaux et comment s’en protéger ?

Si je trouve bon nombre d’avantages aux réseaux sociaux dans le cadre d’un DT1, je ne peux nier ses dérives et ses dangers. On y trouve malheureusement beaucoup d’inepties, surtout dans le domaine de la santé. Il est très rare de trouver des comptes niant la nécessité de l’insuline ou promettant une guérison avec de la cannelle. En revanche, on trouve littéralement de tout concernant la vision d’un diabète équilibré. Il y a ceux qui prônent qu’on doit adapter le diabète à sa vie, ceux qui glorifient la discipline et la rigueur d’une hygiène de vie irréprochable, et les entre-deux.

La pente glissante vers les TCA

Nous, DT1, sommes particulièrement exposés aux troubles du comportement alimentaire (TCA). J’en souffre moi-même, après avoir voulu optimiser mes glycémies et ma sensibilité à l’insuline. Le déclencheur ? Constater que lorsque je ne mangeais pas, ma courbe restait plate. Peu à peu, j’ai supprimé les féculents blancs, puis les aliments industriels, jusqu’à jeter mon micro-ondes. Tout cela, alors que mon HbA1c était déjà à 6 %, simplement pour obtenir des courbes parfaites et ne pas prendre de poids.

Imaginez le ressenti d’un patient en difficulté qui tombe sur des comptes ne montrant que des courbes idéales, associées à une discipline extrême. La comparaison est inévitable, et souvent destructrice.

Sur Instagram, les comptes les plus visibles ne sont pas forcément les plus fiables. Certains véhiculent des croyances inquiétantes : réduire l’insuline pour éviter de grossir, bannir tous les aliments à IG élevé par peur des complications, etc. Ces discours manquent cruellement de nuances et culpabilisent ceux qui osent simplement “vivre”.

C’est pourquoi instaurer un dialogue ouvert avec vos patients est essentiel. Si nous savons que nous pouvons vous consulter en cas de doute, nous serons moins vulnérables face aux discours toxiques. La prévention passe aussi par un message simple et clair : « Vous avez un doute ? Demandez à votre diabétologue. »

Les diabétologues comme gardiens bienveillants

Quand mes comportements alimentaires sont devenus problématiques, mon diabétologue de l’époque n’a pas réagi. Pire, il a encensé mes résultats chiffrés et a minimisé ma détresse. Je ne mangeais plus le matin pour admirer ma courbe à jeun, mes doses d’insuline avaient chuté, car je supprimais presque tous les féculents, et je passais mes journées à multiplier les débits temporaires et les correctifs.

Plus tard, en passant à la boucle fermée, j’ai choisi un nouveau diabétologue, formé aux nouvelles technologies. Ce fut le jour et la nuit. Pour la première fois, ma santé mentale et mon bien-être faisaient partie intégrante de la consultation. Je ne regretterai jamais cette rencontre, et je suis toujours suivie avec lui aujourd’hui.

Sa bienveillance n’a pas suffi à empêcher l’explosion de mon TCA après un changement de vie. Mais elle m’a permis de rester encadrée, d’être prise en charge rapidement, et surtout de ne pas me sentir abandonnée par le système. C’est une différence capitale.

La monétisation du diabète

Une nouvelle dérive prend de plus en plus de place sur les réseaux sociaux : la marchandisation du DT1. On connaissait déjà les promesses de pilules miracles et de régimes en tout genre dans le DT2. Mais saviez-vous qu’il existe aujourd’hui des coachs sans formation médicale qui s’auto-proclament “spécialistes du DT1” ? Leur approche, inspirée du marketing digital, vise les patients en détresse : ceux qui se sentent incompris par leurs soignants et n’arrivent pas à équilibrer leur diabète.

Et ça marche. Pourquoi ? Parce qu’ils s’adressent à des patients vulnérables, qui cèdent à la promesse de courbes parfaites, même si cela coûte 800 €… et mène souvent droit aux TCA.

Votre aide serait précieuse dans la lutte contre de telles pratiques, qui ne doivent pas être normalisées.

 

Comment conseiller et protéger ?

Si vous décidez de nous parler des réseaux sociaux comme d’une ressource, parlez-nous aussi des risques et aidez-nous à rester critiques pour reconnaître et éviter les comptes problématiques.

Malgré ces dangers, rappelez-vous que nous sommes nombreux à prendre très au sérieux notre responsabilité vis-à-vis des autres diabétiques. Il existe beaucoup de comptes éthiques sur le diabète, qui pourraient plaire et aider vos patients.

Si cela vous intéresse, j’ai créé sur mon blog une page dédiée à mes « comptes Instagram coup de cœur », classés par thématiques (sensibilisation, information, inspiration, rencontre, sport, etc.). 

Entre deux glycémies, il y a nos vies. Merci d’en tenir compte, et de nous écouter.

Retrouvez le blog La Belle & le Diabète.