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Les effets bénéfiques d’une mise en place précoce plutôt que tardive du traitement intensif du diabète de type 1

Article choisi : Lachin JM, Bebu I, Nathan DM et al. The beneficial effects of earlier versus later implementation of intensive therapy in type 1 diabetes. Diabetes Care 2021 ; 44 : 2225-30.

 

L’étude

Objectifs

L’objectif principal de cette étude est l’évaluation des bénéfices d’une mise en place précoce plutôt que tardive de l’insulinothérapie intensive dans le diabète de type 1 (DT1) sur les risques de maladie cardiovasculaire (MCV) et de baisse de la fonction rénale au cours de l’étude EDIC (Epidemiology of Diabetes Intervention and Complications).

Méthodes

Le risque absolu (incidence cumulée) et le risque relatif sur 20 ans de MCV (infarctus du myocarde symptomatique ou silencieux, accident vasculaire cérébral, angor documenté, revascularisation coronaire, insuffisance cardiaque) et de baisse de la filtration glomérulaire estimée (eGFR) (< 60 ml/min/1,73 m2) ont été calculés sur les 20 premières années de l’étude EDIC à l’aide de modèles de régression proportionnelle de Cox en fonction de l’HbA1c moyenne évaluée sur la première moitié (1-10 ans) et la deuxième moitié (11-20 ans) de l’étude.

Résultats

L’étude EDIC a inclus 1 396 participants (98 % des patients en vie à la fin du DCCT) en notant que les patients qui avaient déjà eu un diagnostic de MCV (n = 15) ou de baisse de l’eGFR (n = 6) pendant le DCCT ont été exclus. Au cours des 20 ans de l’étude EDIC, 160 patients ont présenté une MCV (60 pendant les années 1-10 et 100 pendant les années 11-20) et une baisse de l’eGFR a été observée chez 140 participants (respectivement 41 et 99).

Le tableau 1 synthétise les risques absolus et relatifs de MCV et de baisse de l’eGFR en fonction de l’équilibre glycémique en considérant quatre patients théoriques ayant quatre parcours différents sur les 20 années de l’étude EDIC :

• le patient 1 a eu une HbA1c à 9 % pendant toute la période d’EDIC,

• le patient 4 a eu une HbA1c à 7 % sur toute cette période.

• Les patients 2 et 3 ont eu la même exposition au glucose sur les 20 ans, mais le patient 3 a eu une HbA1c à 7 % pendant les années 1-10 qui s’est ensuite dégradée à 9 % sur la deuxième moitié de l’étude alors que le patient 2 a eu une HbA1c initialement à 9 % qui s’est améliorée à 7 % pendant la période 11-20 ans.

L’étude montre que le patient 3 avec une HbA1c initialement à 7 % puis à 9 % aurait une réduction de 33 % du risque de MCV et de 52 % du risque de baisse de l’eGFR comparé au patient 2 ayant eu initialement une HbA1c à 9 % sur les 10 premières années suivies par une HbA1c à 7 % sur les 10 années suivantes.

Conclusions de l’étude

Même si la mise en place de l’insulinothérapie intensive au cours du DT1 est bénéfique quel que soit le moment où on la met en place, sur une période de 20 ans modélisée, une implémentation précoce versus tardive est associée à une réduction plus importante du risque de complications rénales et cardiovasculaires.

 

Pourquoi cet article est-il important ?

L’étude DCCT

L’étude DCCT (débutée en 1983) est un essai randomisé contrôlé historique qui a comparé chez des personnes vivant avec un DT1 (PVDT1), une insulinothérapie conventionnelle (une ou deux injections quotidiennes) et une insulinothérapie intensive (multi-injections ou pompe) et a permis de montrer qu’un bon équilibre glycémique (en simplifiant, une HbA1c à 7 % versus 9 %) prévient les complications du DT1.

L’étude EDIC

À la fin du DCCT, l’étude s’est poursuivie par l’étude EDIC (débutée en 1994) où l’HbA1c s’est stabilisée à environ 8 % dans les deux groupes avec persistance du bénéfice dans le groupe intensif. Cet effet a été attribué à l’effet mémoire – décrit dans le diabète de type 2 – mais l’effet quantitatif de la mise en place précoce ou tardive du bon équilibre n’avait pas été quantifié avant cette étude.

HbA1c et complications du diabète

Les résultats sur les 20 années de l’étude EDIC montrent que le risque de MCV et le risque de baisse de l’eGFR sont associés de façon quasi linéaire avec l’HbA1c moyenne. L’évaluation de l’incidence de la rétinopathie proliférante dans les différentes situations n’a pas pu être faite en raison du rythme de surveillance ophtalmologique très espacé pendant EDIC (tous les 4 ans), mais son évolution pendant l’étude était également très dépendante des niveaux d’HbA1c.

Effet d’une mise en place précoce

Surtout, cette étude montre que, pour une même exposition moyenne au glucose (HbA1c sur
20 ans identique),
un bon équilibre précoce diminue de 33 % le risque de MCV et de 52 % le risque de baisse de l’eGFR sur 20 ans. On peut supposer que le bénéfice observé dans le groupe intensif du DCCT et maintenu dans EDIC était en fait lié à une mise en place encore plus précoce de l’insulinothérapie intensive ayant permis d’obtenir un bon équilibre glycémique. Au début d’EDIC, les participants avaient en moyenne 35 ans et 12 ans d’évolution du DT1.

Perspectives

Cela signifie que chez une PVDT1, il est essentiel de rechercher le plus précocement possible un bon équilibre même si cela représente un challenge notamment chez l’enfant et l’adolescent. Et inversement, il n’est jamais trop tard pour chercher à obtenir un meilleur équilibre : le patient 2 a tout de même une amélioration notable de son pronostic cardiovasculaire et rénal par rapport au patient 1. Les résultats du patient 4 sont encore plus encourageants. Le DCCT a démarré peu après l’apparition de l’autosurveillance glycémique et avant les analogues de l’insuline : le profil du patient 4 était alors probablement rarement atteignable ou sinon au prix d’hypoglycémies importantes. Depuis cette période, on dispose de nouvelles insulines, de la mesure du glucose en continu, bientôt de boucles fermées hybrides. Si ces technologies peuvent être mises en place dès l’apparition du diabète, on peut espérer encore améliorer le pronostic dans le DT1. Et il est probable que le raisonnement en HbA1c soit transposable en temps dans la cible (TIR) même si l’amplitude de l’effet varie certainement aussi en fonction d’autres paramètres.

 

L’auteur n’a aucun lien d’intérêt concernant cet article. En dehors, l’auteur est consultante ou rédactrice/oratrice pour Abbott Diabetes Care, Air Liquide, AstraZeneca, Lilly, Medtronic, Novo Nordisk, Roche Diabetes Care, Sanofi, VitalAire.

À RETENIR

Cette étude plaide pour une mise en place très précoce des technologies permettant d’obtenir le meilleur équilibre glycémique, donc idéalement l’insulinothérapie automatisée bien conduite ou une boucle ouverte bien gérée, mais avec une charge mentale plus importante. De plus, il n’est pas impossible que le risque résiduel de MCV chez des PVDT1 bien équilibrées soit lié à un équilibre moins optimal au cours des premières années du DT1, période non prise en compte dans des études prospectives. L’étude SFDT1 devrait nous aider à préciser ce point…