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Des recommandations pour les décideurs européens afin d’améliorer la vie des personnes atteintes de diabète

 

Bien que 61 millions d’Européens vivent avec le diabète, ce dernier demeure l’une des maladies les plus incomprises et les plus sous-estimées de toutes les maladies courantes. La société n’a pas vraiment conscience de ses implications : l’ampleur des indicateurs de santé qu’il faut constamment suivre et contrôler, la menace omniprésente de complications dangereuses pour la santé, la peur et l’angoisse de l’avenir.

 

La crise du diabète

Épidémiologie

Le diabète constitue une crise de santé publique qui s’accélère rapidement et exige une attention politique immédiate. Il s’agit d’une urgence qui se cache en plein jour : actuellement en Europe, un adulte sur onze, soit 61 millions de personnes, souffre de diabète ; c’est plus que la population totale de l’Italie. Plus d’un million de décès par an sont attribués à cette maladie. L’épidémie de diabète ne montre pas non plus de signe de recul. La prévalence de la maladie devrait encore augmenter de 13 % dans la région européenne d’ici à 2045 (1).

Il ne s’agit pas seulement de simples statistiques : les conséquences du diabète peuvent être graves. Les personnes qui vivent avec le diabète risquent de développer des complications graves et potentiellement mortelles, ce qui réduit leur qualité de vie, augmente leurs besoins de prise en charge et accroît le risque de décès prématuré.

L’effet du Covid-19

L’effet disproportionné de la pandémie de Covid-19 sur les personnes atteintes de diabète a mis en évidence la gravité de la crise dans cette population, laquelle ne peut plus être ignorée. Au début de la pandémie par exemple, jusqu’à un décès sur trois liés au Covid-19 concernait des personnes diabétiques (2).

Améliorer la prise en charge du diabète

Cependant, tout espoir n’est pas perdu. Il existe des stratégies et des traitements validés qui peuvent inverser le cours de cette épidémie silencieuse ; il nous faut simplement la volonté politique et sociale de les déployer.

Le Forum européen du diabète (EUDF) vise d’ailleurs à insuffler un élan en réunissant des acteurs de toute l’Europe afin de faire naître de nouvelles idées et solutions et de parfaire et moderniser la prise en charge du diabète. À cette fin, l’EUDF a concentré ses efforts sur trois domaines essentiels pour améliorer la vie des personnes atteintes de cette maladie :

• les soins intégrés,

• les registres,

• et les outils numériques.

Il n’y a pas un instant à perdre. Nous pouvons sauver des vies et alléger la charge pesant sur les systèmes de santé en étant le fer de lance d’une approche de la prise en charge du diabète plus axée sur les données et sur le patient.

La charge

Le diabète représente une charge de plus en plus lourde – pour les personnes atteintes et leur famille, pour les systèmes de santé et pour la société dans son ensemble.

Sur les patients et les familles

Les patients diabétiques sont exposés à un risque accru de développer des complications graves, notamment des maladies cardiovasculaires et rénales. Le diabète est également pourvoyeur de handicaps majeurs comme la cécité et l’amputation des membres inférieurs. En règle générale, le diabète réduit l’espérance de vie de 15 ans. En outre, sa prise en charge est un engagement à plein temps qui impose une charge physique et émotionnelle aux patients et à leur famille.

Sur les systèmes de santé et les systèmes économiques

Le diabète fait également peser des contraintes uniques sur les systèmes de santé et les systèmes économiques. Cela ne concerne pas seulement les dépenses médicales directes, qui s’élèvent aujourd’hui à environ 170 milliards d’euros, un montant qui ne cesse d’augmenter, mais aussi – à une époque où les personnels de santé manquent – pèse sur l’affectation des ressources sanitaires. Le diabète compliqué engendre également des coûts indirects, notamment une baisse de la productivité, des absences pour cause de maladie, d’invalidité, de retraite anticipée et de décès prématuré. En outre, le diabète touche de plus en plus de personnes à un âge précoce, ce qui signifie que les gens développent également des complications à un âge de plus en plus jeune. Cela ne fait qu’alourdir la charge totale de la maladie.

Les inégalités socioéconomiques

Dans une perspective plus large, le diabète est pernicieux dans la mesure où il exploite les inégalités socioéconomiques existantes. Il touche de manière disproportionnée les personnes les plus démunies, qui sont non seulement plus susceptibles de se voir diagnostiquer cette maladie, mais aussi d’en subir les conséquences les plus graves. Dans les pays les plus riches de l’Union européenne, les décès liés au diabète sont 3,5 fois plus nombreux dans les groupes à faible revenu.

 

Le défi

Cette charge sociale et économique croissante exige une action forte et décisive à tous les niveaux en vue de relever le défi que représente le diabète. Tout plan mis en œuvre de manière globale doit aborder la question de la prévention primaire pour endiguer l’augmentation du nombre de cas de diabète.

Favoriser une prise en charge plus adéquate des diabétiques

Toutefois, l’accent mis sur la prévention ne doit pas faire oublier les réponses efficaces à apporter aux dizaines de millions d’Européens déjà diagnostiqués comme diabétiques. Trop souvent, cet accent renforce la stigmatisation du diabète en tant que « maladie du mode de vie », ce qui permet d’ignorer l’absence d’une politique efficace en matière de prise en charge du diabète ou les actions menées dans d’autres domaines. C’est pourquoi l’EUDF a axé ses propres recommandations stratégiques (3) sur des solutions concrètes qui favorisent une prise en charge plus adéquate des diabétiques, de manière à garantir de meilleurs résultats en matière de santé et à alléger la charge quotidienne imposée aux personnes qui en souffrent.

Intensifier la prise en charge

L’intensification de la prise en charge devient chaque jour plus urgente à mesure que la situation se détériore ou que les paramètres tels que le contrôle de la glycémie, des lipides ou de la pression artérielle sont insuffisamment contrôlés. Et ce, même si la plupart des cas de diabète peuvent être contrôlés, et que la plupart des complications qui y sont liées peuvent être évitées grâce à un changement de mode de vie, à un suivi adéquat et à un respect plus strict des directives cliniques. On estime que 75 % des dépenses de santé liées au diabète peuvent être attribuées à des complications évitables.

Coordonner les professionnels de santé

Pourtant, les systèmes de santé n’ont pas les moyens de relever les défis uniques posés par la maladie. Le diabète est une maladie complexe et très difficile à gérer. La prise en charge des diabétiques exige un niveau élevé d’autonomie et de responsabilisation, ainsi que le soutien et la coordination de nombreux professionnels de la santé et de disciplines différentes. Les services de santé sont toutefois très fragmentés, l’organisation et le financement des soins étant adaptés au cadre de soins plutôt qu’au patient et à ses besoins. Il en résulte que le diabète est souvent considéré comme une maladie aiguë plutôt que comme une maladie chronique.

 

Les solutions

Que peut-on faire pour relever le défi du diabète ? Les recommandations de l’EUDF mettent en évidence trois domaines dans lesquels – si certaines mesures sont prises – des progrès sont facilement réalisables : les soins intégrés, les registres, et les outils numériques.

Les soins intégrés

En premier lieu, nous devons repenser et redéfinir les soins de manière à mieux répondre aux besoins des diabétiques. C’est la raison pour laquelle les soins intégrés constituent véritablement le point de référence pour évaluer tous les autres aspects de la prise en charge du diabète. Il s’agit d’une approche à plus long terme et plus holistique, qui tient compte de la complexité de la maladie.

À cette fin, l’EUDF a défini des stratégies pragmatiques qui visent à améliorer l’intégration dans tous les contextes de soins, notamment :

• en mettant en œuvre des modèles d’évaluation,

• en élaborant des parcours de soins du diabète centrés sur le patient,

• en repensant les programmes de formation

• et en mettant en place des mesures incitatives pour encourager la coopération et le travail d’équipe au sein des établissements de soins généralistes et spécialisés, et entre eux.

Les registres

En deuxième lieu, il est temps de libérer le vaste potentiel des données. Les registres du diabète sont essentiels pour permettre une approche de la prise en charge du diabète davantage fondée sur les éléments probants et les données. Ils garantissent le contrôle qualité et un meilleur respect des lignes directrices, permettent de suivre les résultats dans toutes les cliniques ou les régions, aident à déterminer les raisons des écarts de résultats, et fournissent des informations sur la prestation des soins et des traitements, ce qui peut contribuer à la réduction des complications coûteuses. Les décideurs politiques, les autorités sanitaires, les professionnels de la santé, les Régions et les personnes atteintes de diabète doivent travailler ensemble pour faire avancer l’élaboration des registres dans les pays européens où ils n’existent pas, ou pour étendre et renforcer ceux qui existent. L’EUDF a formulé des recommandations pour y parvenir.

Les outils numériques

En dernier lieu, il est essentiel de fournir aux personnes atteintes de diabète les connaissances et les outils nécessaires pour mieux prendre en charge leur maladie. L’amélioration des capacités de prise en charge autonome est essentielle pour obtenir :

• un niveau élevé d’observance du traitement (adéquation du comportement aux conseils médicaux),

• de meilleurs résultats en matière de santé

• et une meilleure qualité de vie, qui réduira les complications à long terme.

Dans ce contexte, les outils numériques, y compris les applications mobiles, peuvent servir d’interface avec le patient, en donnant aux diabétiques et à leurs agents de santé des outils pour mieux prendre en charge leur maladie grâce à un meilleur soutien au quotidien, une plus grande flexibilité et une meilleure connexion avec les prestataires de soins de santé, ce qui peut contribuer à permettre un suivi à distance et une prise de décision plus axée sur les données.

 

Conclusion

Le diabète est l’un des défis sanitaires les plus importants, et négligés, auxquels l’Europe est confrontée aujourd’hui. Cependant, il y a des raisons de croire que nous pouvons faire face à ce défi et le surmonter si nous déployons les outils disponibles et prenons les mesures stratégiques et concrètes nécessaires.

L’année dernière a marqué le centenaire de la découverte de l’insuline, une innovation véritablement révolutionnaire dans l’histoire de la médecine. Mais le diabète ne reçoit plus l’attention qu’il mérite, et encore moins les traitements révolutionnaires dont les patients ont besoin. Il est donc essentiel de sortir des sentiers battus et de promouvoir des traitements plus innovants, afin que les personnes atteintes de diabète puissent mener une vie productive, saine et épanouie.

La promotion de ces solutions en matière de numérisation et de prise en charge autonome, de registres et de soins intégrés favorisera une approche des soins de santé et de la gestion du diabète plus axée sur les données et le patient, qui devrait porter ses fruits en matière de réduction des complications, d’amélioration de la qualité de vie et d’utilisation plus efficace des ressources cliniques.

L’EUDF continuera à servir de partenaire expert en vue de promouvoir ces efforts, en agissant comme un forum pour une campagne collaborative en vue d’un changement stratégique. Notre vision est d’obtenir de meilleurs résultats pour les personnes atteintes de diabète et de permettre aux systèmes de santé de faire face à une épidémie dévastatrice, sur laquelle on ne peut plus fermer les yeux.

 

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec cet article.

Bibliographie

1. Fédération internationale du diabète. Atlas du diabète de la FID, 10e édition. Bruxelles, Belgique : 2021. Disponible sur : www.diabetesatlas.org.

2. Carr MJ, Wright AK, Leelarathna L et al. Impact of COVID-19 on diagnoses, monitoring, and mortality in people with type 2 diabetes in the UK. Lancet Diabetes Endocrinol 2021 ; 9 : 413-5.

3. www.eudf.org/our-work/recommendations/