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DT2 chez les adolescents : les enfants diabétiques ne sont pas seulement de petits adultes

Même si la majorité des enfants et adolescents touchés par le diabète en France en 2021 sont des diabétiques de type 1, ou porteurs de diabète monogénique, la découverte, lors du suivi de jeunes en situation d’obésité, ou de très jeunes femmes enceintes en surpoids, de diabète de type 2 est de plus en plus fréquente. Nous sommes à la deuxième génération de sujets atteints par ce que certains décrivaient dans les années 2000 comme une épidémie de “diabobésité” : des enfants prédisposés génétiquement, ayant été soumis in utero à une hyperglycémie, et à des modifications de leur épigénome ayant conduit à une obésité précoce, mais aussi à un déficit insulinosécrétoire.

Un symposium présidé par le Pr Kenneth Copeland a permis de faire le point sur la prévalence du diabète de type 2 (DT2) chez les jeunes de moins de 20 ans aux États-Unis et, surtout, d’évoquer des pistes thérapeutiques adaptées (Copeland K et al, ADA 2021).

 

Des caractéristiques particulières

En effet, comme le titre du symposium l’indique « les enfants diabétiques ne sont pas seulement de petits adultes ». Leur diabète, déclaré plus tôt, va se compliquer à un âge plus précoce mais, surtout, il présente des caractéristiques particulières, rendant les traitements actuellement autorisés (metformine et insuline) moins efficaces à moyen terme.

Ensuite, il existe des disparités majeures entre groupes ethniques, niveaux socio-économiques qui sont retrouvés de manière plus prégnante que chez l’adulte, rendant la prise en charge plus complexe.

 

Épidémiologie et mode de vie

Le Pr Angela D. Liese, de l’université de Caroline du Sud, a exposé les données épidémiologiques et l’évolution depuis le début des années 2000 (Liese AD, ADA 2021). La prévalence est passée de 0,3 à 0,7 pour mille chez les 10-19 ans. La prévalence la plus faible est retrouvée chez les caucasiens non hispaniques, et la plus haute chez les natives et les populations originaires d’Asie Pacifique. De même, on note une HbA1c supérieure à 9 % dans 26 % des cas, avec une dégradation rapide dans les 4 ans suivant le diagnostic, selon la même disparité ethnique.

Les effets de l’obésité et du mode de vie sur la survenue précoce de ce DT2 sont évidents. Une étude déjà ancienne (1) retrouvait 68 % (populations asiatiques et caucasiennes non hispaniques) à 91 % (Afro-américains) d’IMC supérieur au 95e percentile.

Effets de la pandémie de Covid-19

Dans le domaine du mode de vie, la pandémie de Covid-19 peut être considérée comme un stress test, terme utilisé dans un autre symposium consacré au diabète gestationnel (Simmons RA et al, ADA 2021). En effet, il a aggravé la sédentarité et les inégalités nutritionnelles de manière sévère. Deux articles émanant d’équipes de diabétologie pédiatrique américaines ont comparé les admissions pour DT2 en population pédiatrique dans les mêmes périodes de 2019 et 2020, pour évaluer les conséquences des confinements.

• Dans le premier, à la Nouvelle-Orléans, a été relevée une augmentation de 0,27 à 0,62 % (p < 0,005) des admissions pour découverte de DT2, avec une très grande majorité d’enfants afroaméricains, une HbA1c à 13 % à l’admission et une hyperosmolarité très fréquente (Hsia DS et al, ADA 2021).

• Dans le second, à Washington DC, ont été relevées une incidence triplée, une hyperosmolarité là aussi très fréquente, et une grande majorité de populations défavorisées (Marks BE et al, ADA 2021). Les auteurs évoquent la sédentarité forcée et le bouleversement alimentaire dans des familles en difficulté accrue depuis la crise sanitaire.

Le déficit insulinosécrétoire

Le déficit insulinosécrétoire semble beaucoup plus rapide après le diagnostic que chez le sujet adulte, de l’ordre de 19 à 25 %/an dans la cohorte TODAY (2), rendant le primo-traitement par metformine rapidement inefficace (Trief PM et al, ADA 2021).

Les déterminants génétiques sont-ils différents que dans le DT2 de l’adulte ?

Trois cent cinquante-six adolescents (âge moyen 16,7 ans), non diabétiques, issus de la cohorte du Colorado EPOCH, ont été explorés par GWAS pour rechercher des variants d’intérêt habituellement retrouvés dans le diabète de l’adulte (Stanislawski M et al, ADA 2021). Ils n’ont pas trouvé de différence avec les populations adultes de même origine ethnique. Il existe une corrélation entre ces variants connus, l’index HOMA et l’indice d’insulinosécrétion chez ces enfants, ainsi qu’avec l’IMC chez les seuls sujets en surpoids.

Les complications

Chez l’adolescent DT2, les complications semblent plus agressives, précipitées par les comorbidités (HTA, obésité, dyslipidémie), et par le contexte socioéconomique et familial. Le Pr Tamara Hannon a brossé un tableau inquiétant de ces complications cardiovasculaires (+20 à 30 %) et de l’accroissement de 10 % de la mortalité, dans les 10 ans suivant le diagnostic, citant une étude australienne (3) (Hannon TS, ADA 2021).

 

Quels traitements ?

Se pose donc la question d’un traitement précoce, actif non seulement sur l’obésité et l’insulinorésistance, comme chez l’adulte, mais également sur la sécrétion d’insuline, avec une préservation à long terme de la fonction insulaire, sans oublier la prise en charge des facteurs de risque associés ! Le tout en respectant les contraintes de la période de l’adolescence, période de transition par excellence. Une stratégie précoce de préservation insulaire peut-elle être envisagée ?

Metformine + glargine

Le Pr Hannon a montré les résultats de l’étude RISE (4) chez des adolescents (âge moyen = 14 ans, majorité de filles, stade de Tanner > 2) obèses (IMC 36 à l’inclusion), intolérants au glucose ou avec un DT2 récent (Hannon TS, ADA 2021). Randomisés en deux groupes, ils ont reçu de la metformine (2 g/j) seule ou associée à de la glargine, avec une titration, les 3 premiers mois, puis de la metformine seule. Après 12 mois, et l’arrêt du traitement, l’HbA1c, l’IMC, la glycémie à jeun et à 2 heures de l’HGPO étaient stables et comparables dans les deux groupes, mais au fil du temps, et jusqu’à 9 mois, une lente dégradation de tous les paramètres a été observée (Fig. 1). Il s’agissait pourtant de DT2 très récents (moins de 6 mois post-diagnostic), très bien équilibrés au départ.

Figure 1 – Étude RISE – Évolution de l’HbA1c en fonction des traitements (4).

Metformine

Le Pr Elvira Isaganitis, de la Joslin Clinic, dans le même symposium, a cité le Pediatric Diabetes Consortium DT2 Registry (5) qui décrit des résultats plus encourageants, soulignant, comme chez l’adulte, une meilleure réponse au traitement par metformine seule chez des sujets dont le diabète est plus récent, moins déséquilibré lors de la prise en charge, et ayant un C peptide plus élevé (dans ce registre, groupe 1 : HbA1c = 5,9 % ; n = 75 versus groupe 2 HbA1c = 9,9 % ; n = 204) (Isganaitis EM, ADA 2021).

Ce consortium a donc mis en œuvre des protocoles de recherche clinique plus puissants, avec un recrutement plus facile dans cette population de jeunes DT2 encore faible et difficile à atteindre. Ces protocoles sont kid friendly, avec limitation des visites, en particulier à jeun, contacts en ligne, et support financier pour les centres et les participants.

Liraglutide

Une étude a retenu notre attention (6) montrant l’efficacité du liraglutide 3 mg/jour versus placebo chez de jeunes obèses (âge moyen = 16 ans), après échec du régime seul. Une perte de 0,3 DS de l’IMC pendant le traitement, mais une reprise assez rapide à l’arrêt de celui-ci. Le liraglutide est autorisé depuis 2019 aux États-Unis chez les adolescents, après échec de la metformine et de l’insulinothérapie, en cas d’obésité sévère (IMC > 35 kg/m2). Il reste cependant peu prescrit. Une publication affichée a exploré, par des entretiens semi-directifs de praticiens chevronnés, d’internes et d’infirmières spécialisées en diabétologie, les freins à la prescription (Hitt TA et al, ADA 2021). Sur des “vignettes” patients, l’indication paraît formelle à presque tous. Cependant, la crainte des effets secondaires, de l’interruption intempestive du traitement reste des freins à la prescription effective.

La question de la thérapeutique “idéale”, permettant une préservation à long terme des cellules bêta, chez ces très jeunes diabétiques, et limitant l’avancée rapide des complications n’est pas tranchée. Il est probable que des approches multiples doivent être combinées, et adaptées à cette population.

 

La prévention

La prévention, chez les enfants à risque, que l’on commence à repérer (antécédents familiaux, antécédents d’exposition in utero au diabète maternel, obésité centrale précoce, conditions socioéconomiques défavorables) est capitale. Elle passe par la prise en charge des obésités de l’enfant, et la surveillance et le dépistage précoce des anomalies de la glycorégulation.

 

Conclusion

En conclusion de ce symposium passionnant, on peut dire que les traitements protecteurs de la fonction insulaire, attendus depuis longtemps, devraient bénéficier prioritairement à ces sujets très jeunes.

Enfin, même si nous ne sommes pas diabétologues pédiatres, nous sommes amenés à discuter, après une grossesse lors de laquelle un DG sévère, ou un DT2 a été diagnostiqué et traité, un traitement de fond chez de très jeunes femmes obèses. Il est certainement utile de ne pas attendre une dégradation marquée de la glycorégulation avant de mettre en place une prise en charge hygiéno-diététique et un traitement.

 

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec cet article.

Bibliographie

1. Liu LL, Lawrence JM, Davis C et al. Prevalence of overweight and obesity in youth with diabetes in USA: the SEARCH for Diabetes in Youth study. Pediatr Diabetes 2010 ; 11 : 4-11.

2. TODAY Study Group. Effects of metformin, metformin plus rosiglitazone, and metformin plus lifestyle on insulin sensitivity and β-cell function in TODAY. Diabetes Care 2013 ; 36 : 1749-57.

3. Magliano DJ, Sacre JW, Harding JL et al. Young-onset type 2 diabetes mellitus – implications for morbidity and mortality. Nat Rev Endocrinol 2020 ; 16 : 321-31.

4. Hannon TS, Edelstein SL, Arslanian SA et al. Withdrawal of medications leads to worsening of OGTT parameters in youth with impaired glucose tolerance or recently-diagnosed type 2 diabetes. Pediatr Diabetes 2020 ; 21 : 1437-46.

5. Bacha F, Cheng P, Gal RL et al. Initial Presentation of type 2 diabetes in adolescents predicts durability of successful treatment with metformin monotherapy: insights from the Pediatric diabetes consortium T2D registry. Horm Res Paediatr 2018 ; 89 : 47-55.

6. Kelly AS, Auerbach P, Barrientos-Perez M et al. A Randomized, controlled trial of liraglutide for adolescents with obesity. N Engl J Med 2020 ; 382 : 2117-28.